Derrière chaque manuscrit se cache une histoire...
Poète maudit et incompris, Charles Baudelaire a 24 ans lorsqu’il écrit cette lettre, datée du 30 juin 1845 et dans laquelle il annonce à son notaire son intention de mettre fin à ses jours. Connu sous le nom de « lettre du suicide » , ce manuscrit est intéressant à plus d’un titre.
Non seulement Baudelaire y exprime son mal-être, non pas lié à son endettement mais bien à son spleen, mais surtout, il y évoque sa relation conflictuelle avec sa famille et son amour pour Jeanne Lemaire.
Peu de temps auparavant, Baudelaire a été placé sous curatelle par ses proches, pour sa vie fantasque, débauchée et dispendieuse. Or, sur les pages de ce manuscrit, l’écriture de Baudelaire est parfaitement compréhensible et, malgré quelques ratures, on sent ici homme en pleine possession de ses moyens intellectuels.
Baudelaire se sent donc humilié d’être ainsi traité par sa famille, en particulier par sa mère, avec qui il entretint toujours une relation tumultueuse, et ne lui pardonnant pas de s’être remariée alors qu’il n’avait que 7 ans.
À l’heure où il écrit ces lignes, le seul réconfort que trouve Baudelaire est dans les bras de Jeanne Lemaire. Alors qui est-elle cette Jeanne Lemaire qui se fera appeler plus tard Jeanne Duval ?
Sans doute native de Saint-Domingue, elle sera la Vénus noire de Baudelaire. Mulâtre, comédienne de seconds rôles, possédant un charme certain, comme représenté sur un tableau de Manet, Jeanne Lemaire sera à la fois la muse et le poison de Baudelaire.
Ils se rencontrent en mai 1842 et leur liaison, faite de passion et de haine, de ruptures violentes et de réconciliations enflammées, durera jusqu’à la mort de Baudelaire, en 1867.
Mais en écrivant cette lettre, en juin 1845, alors qu’il projette de se tuer, Baudelaire voit en Jeanne Lemaire la seule femme, le seul être humain qui l’ait compris et c’est à elle qu’il veut tout laisser. C’est vers elle que vont ses dernières pensées.
Finalement le coup de couteau que se donnera Baudelaire ne sera qu’une égratignure ; il continuera à promener son spleen de nombreuses années encore et écrira quelques-unes des plus belles pages de la poésie française.