C'est un travail à l'ancienne, un travail manuel depuis les années 70 et ils sont des dizaines — des femmes, des hommes — à gagner leur vie grâce au miracle du lac Retba, le nom du célèbre lac rose près de Dakar. C'est l'un des plus salés du monde : 10 fois plus que la mer. Et dans ces pirogues qui résistent au temps, ce sont des tonnes de sel qui sont transportées, 50 à 60 000 par an. À 62 ans, Samba n'en a pas fini avec ce travail. Il est ici depuis 35 ans. Et jusqu'à aujourd'hui, la méthode d'extraction n'a pas changé.
Quand on vient le matin, on prend la pirogue. Après, on va aller jusqu'à l'intérieur, on va descendre. Après on va essayer, des fois on creuse, mais actuellement c'est la période. Alors on rassemble, on met dans la pirogue, on remonte, on revient.
Ce sont les racleurs de sel, un métier rémunérateur, jusqu'à 500 dollars par mois pour les plus costauds qui ramènent le plus de bassines sur le bord. Mais, un métier dangereux, éprouvant, car le sel attaque la peau. Sans les protections de beurre de karité, impossible de travailler ici sous la chaleur à enchaîner les allers-retours. Beaucoup d'ailleurs sont des jeunes immigrés venus souffrir pour trouver un salaire décent. Mais, depuis 10 ans, la commercialisation s'est professionnalisée. Une structure de gestion cohérente a été mise en place, faisant oublier une époque sans foi ni loi.
C'était presque une anarchie. Les sacs de sel se vendaient presque à 35 francs CFA, ça c'est de l'anarchie. Donc, et puis, il y avait les opérateurs qui venaient et qui prenaient les sacs à crédit. Il y avait quelques-uns qui venaient rembourser et d'autres ne revenaient plus. Donc, tout ça c'est un problème. Mais depuis qu'on a organisé, on a éradiqué cette pratique. Maintenant, on ne fait plus crédit et toutes les choses se passent normalement.
Aujourd'hui, le sel sénégalais est exporté dans la sous-région, parfois jusqu'en Europe. Et les bénéfices — promet le comité de gestion — sont redistribués jusque dans les poches de ces forçats du lac rose.
